Le Gabon, une histoire de migrations
Le Gabon, comme la plupart des pays d’Afrique, a deux histoires, suivant que l’on se place du point de vue des migrations africaines ou de celui des européens qui finirent par le coloniser. Contrairement à une idée reçue, la première est aujourd’hui assez bien connue et remonte à 27 000 ans avant JC.
UN PEUPLEMENT PACIFIQUE MULTISÉCULAIRE
Les traces d’occupation préhistorique autour de Libreville sont indubitables, même si l’absence d’ossements, qui ne se conservent pas en terrain humide, ne permet pas de définir avec certitude leur origine. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit là des plus anciens habitants connus du Gabon, bien avant les Pygmées dont l’arrivée ne remonte qu’à 5 000 ans avant JC.
LE PEUPLE DE LA FORĘT
Chassés du Sahara par sa rapide désertification, les peuples Pygmées restent très longtemps, jusqu’au XIe siècle après JC, les seuls habitants du Gabon. Appartenant aujourd’hui encore au paléolithique par leur mode de vie et leur technologie. Pacifiques, vivant en symbiose totale avec la forêt qui les protège et les nourrit, les Pygmées n’ont jamais été conquis mais plutôt pourchassés et repoussés au plus profond de la forêt équatoriale primaire qui recouvre la quasi superficie du Gabon par des tribus plus agressives ou techniquement plus évoluées.
LE MYSTERE BANTOU
Issus d’un petit noyau né dans le nord de l’Afrique dont on ne connaît pratiquement rien, les Bantous ne désignent pas une origine ethnique, mais une famille linguistique. Quittant la zone sahélienne vers 5 000 ans avant JC, ils descendent lentement vers le sud, conquérant peu à peu les peuples qu’ils rencontrent, leur imposant leur langue mais avec lesquels ils se métissent durant plus de 70 siècle.
LES M’PONGWÉ S’INSTALLENT Ŕ LIBREVILLE ET PORT-GENTIL
Arrivant dans la région de l’Estuaire au XIe siècle, les M’Pongwés de la branche Myéné s’y installèrent lentement jusqu’au XVIIIe siècle. Ce n’est qu’au XVIe siècle que d’autres groupes descendent plus au sud pour se fixer dans le delta de l’Ogooué.
LES CHOSES SE COMPLIQUENT !
C’est à partir du XVIčme siècle que des groupes ethniques très variés commencèrent à arriver au Gabon, d’abord par la vallée de l’Ivindo (Bakélés, Simba, Mitsogho, Okandé, Bakota, Bélinga), puis par le sud (Eshiras, Bapunu, Balumbu puis M’Bédé, Bandjabi, Batsangui, Aduma, etc.). Cette mosaïque d’ethnies ne s’est cependant pas constituée dans la violence comme c’est souvent le cas, les Pygmées cédant le terrain des vallées sans discuter pour se réfugier dans les montagnes inaccessibles aux différentes communautés, composées de quelques familles tout au plus, qui se partagèrent les terres ainsi libérées de manière pacifique. Nomades, elles ne se fixaient pas sur un territoire précis et il résulte de ces migrations successives un enchevêtrement complexe aux contours diffus et métissés.
LES CONQUÉRANTS FANG
Au XIXe siècle, les Fang envahissent le nord est du Gabon, provoquant un glissement vers le sud des autochtones qui se tassent un peu plus dans les régions déjà peuplées. Les Fang s’installèrent nombreux et organisés dans le Woleu N’Tem, l’Estuaire et la Guinée Équatoriale. Les Portugais découvrent l’embouchure du Como en 1472 et le nomment Gabao, exprimant ainsi l’aspect inaccessible de ses côtes, encapuchonnées d’un épais manteau de forêt, d’apparence hostile et impraticable. La côte se baptise alors des noms de Lopez ou Fernan Vaz. Au début du XVIe siècle, les jésuites, suivant les marins, s’intéressent aux populations locales…pour les faire travailler dans leurs plantations d’orangers, de cocotiers, de bananiers ou de manioc. Ils Ť recrutent ť rapidement quelque 30 000 esclaves.
LE TEMPS DES VOYAGEURS DE COMMERCE
Les Européens s’apercevant un peu tard qu’ils ont massacré les Indiens d’Amérique du Sud, voient dans l’Afrique le réservoir de main d’œuvre qui leur fait défaut. Les Portugais sont rapidement suivis des Espagnols, des Hollandais, puis des Français et des Anglais. Vers 1600, les Hollandais occupent les îles Elobey dans l’Estuaire et se font massacrer par les M’Pongwés qui voient d’un mauvais œil l’édification de murailles percées de canons dirigés vers leurs villages. Ces mêmes M’Pongwés cčderont toutefois aux charmes du commerce avec les Français et les Anglais, sans doute plus diplomates. La traite, qui bat alors son plein, ŕ deux graves incidences directes sur les populations côtières: une véritable hémorragie démographique et la mauvaise habitude de vivre du troc de bétail humain contre tout ce qui était nécessaire ŕ leur vie quotidienne, que ce soient les objets manufacturés ou la nourriture. Ce n’est qu’en 1793 que viendra de France, avec la révolution, une timide prise de conscience des ravages et de l’inhumanité de l’esclavage. Mais il faudra attendre 1848 pour que son interdiction prenne vaguement effet et 1900 pour que la traite soit effectivement interdite.
L’INSTALLATION FRANÇAISE
La répression de la traite fournira le prétexte ŕ la marine française de signer les premiers traités avec les rois de l’Estuaire ŕ partir de 1837. Les patrouilles côtières officiellement destinées ŕ intercepter les négriers permettent aux Français de faire l’inventaire des richesses du Gabon : ivoire, ébène, santal, cire, gomme, caoutchouc. L’Okoumé ne sera découvert qu’ŕ la fin du XIXe siècle. Peu ŕ peu, les traités sont signés avec les rois de l’Estuaire, et les esclaves libérés lors d’arraisonnement de bateaux, débarqués sur la côte, fondent Libreville. Les missionnaires suivant de près les commerçants commencent ŕ se disputer ces âmes. Le Père Bessieux fonde en 1845 la Mission Sainte Marie et tente de concurrencer ses rivaux protestants américains déjà installés ŕ Baraka.
L’EXPLORATION FASTIDIEUSE DE L’INTÉRIEUR
De 1844 à 1883, Bigeard, Bouët-Willaumez, Chaillu ou Savorgnan de Brazza rivalisent de courage pour pénétrer ŕ l’intérieur des terres. Ils en profitent pour s’accaparer en toute bonne conscience ces territoires Ť vierges ť et y planter l’étendard français. En 1884, la colonie du Congo est officiellement établie et le pillage peut alors continuer en toute légalité.
LE RČGNE DES COMPAGNIES
Avec la conférence de Berlin en 1906, les européens s’entendent sur le partage de l’Afrique en définissant les frontières sans tenir compte du relief, du régime des eaux des fleuves, encore moins des ethnies. Ce découpage arbitraire ne facilite pas l’harmonie dans les colonies et de larges territoires passent de mains en mains suivant les jeux d’alliance et de traités entre l’Allemagne, la France, l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne. Les grandes compagnies de ces différents pays agissent en petits dictateurs, réquisitionnant les villageois, s’accaparant les richesses sous la menace de milices armées, imposant des conditions de travail inhumaines aux populations autochtones. Les soulèvements se multiplient et la répression s’intensifie.
LA LUTTE POUR L’INDÉPENDANCE
L’entre-deux-guerres voit naître une génération d’hommes qui luttent pour une organisation politique et sociale plus juste. Le Mouvement Nationaliste Africain, né aux Antilles en 1900 gagne l’Afrique et en 1919, se crée ŕ Libreville une sous section de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen comprenant l’intelligentsia de l’époque : Jean-Baptiste Ndendé, Antoine M’Ba, Ignace Békalé, N’Tumune Ossame, Maurice N’Gome Obiang, Victor Obame Otsagne, Paulin N’Dingo, Martin Tambani Issembe et Léon M’Ba. En 1946, chaque territoire de l’Afrique Équatoriale Française se voit dotée d’un député ŕ l’Assemblée Nationale Française. En 1956, Houphouët-Boigny et Gaston Deferre mettent au point la loi-cadre qui introduit la notion d’autonomie interne de chaque territoire. En 1958, le Général De Gaulle crée la Communauté Française qui autorise la création d’État autonome dans les colonies et la République Gabonaise est proclamée le 29 novembre 1958. Léon M’Ba est nommé Premier Ministre le 19 février 1959. Le 17 aoűt 1960, l’Indépendance est proclamée et le 20 novembre, le Gabon est admis ŕ siéger ŕ l’ONU. Élu Président de la République Gabonaise le 12 février 1961, Léon M’Ba le restera jusqu’ŕ sa mort en 1967. Ministre délégué puis responsable de la Défense Nationale et de la Coordination, Albert-Bernard Bongo devient rapidement un conseiller très écouté par le Président Léon M’Ba. En 1966, il devient Vice-Président. Au décès de Léon M’Ba, en 1967, il devient logiquement le second Président de la jeune République Gabonaise et fonde le Parti Démocratique Gabonais qui restera parti unique jusqu’en 1991. Le Président Bongo, devenu entre temps El Hadj Omar Bongo suite ŕ sa conversion ŕ l’islam, sera réélu en 1973, 1979, 1986, 1993 et 1998.
LA « RÉNOVATION »
Dans un discours prononcé le 1er janvier 1968, le nouveau Président annonce sa volonté de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur tout en soulignant la nécessité d’insuffler au pays un esprit nouveau qu’il symbolise par le mot de Ť Rénovation ť qui deviendra un leitmotiv dans ses discours et sa politique. En mars 1991, une nouvelle constitution est adoptée qui instaure le multipartisme. Les élections législatives de 1993 aboutissent ŕ la mise en place d’une assemblée Nationale composée de 8 partis. Le PDG obtient ŕ lui seul la majorité absolue de 75 sièges sur 120. Le Président Omar Bongo sera réélu en 1993, 1998 et 2005.
LA MARCHE VERS L' »ÉMERGENCE »
Omar Bongo Ondimba décède en juin 2009, dans l’exercice de ses fonctions. C’est Ali Bongo Ondimba, son fils alors Ministre de la Défense, qui sort vainqueur des élections organisées en août 2009, avec un programme centré sur une idée principale : faire du Gabon un pays émergeant en quelques années. Fondant son travail sur les richesses du pays, il met en avant le Gabon Vert, le Gabon des Services, les nouvelles technologies de l’information et l’industrialisation du pays. Il impose aussi en assez peu de temps une nouvelle génération de dirigeants, plus jeune et mieux formés, afin d’adapter l’administration du pays au monde extérieur.